La copropriété, vous la vivez, à longueur d'année, comme copropriétaire, membre ou non d'un conseil syndical, comme locataire ou comme prestataire. Mais connaissez-vous l'envers du décor de la copropriété, du côté du syndic, du gestionnaire de votre immeuble ?
Depuis quelques années, l'ANGC (Association Nationale des Gestionnaires de Copropriété) publie régulièrement une chronique dans la revue « Informations Rapides de la Copropriété ». Cette rubrique présente, avec une touche d'humour, les moments de la vie d'une copropriété, vécue du côté du gestionnaire. Nous pensons que l'on se comprend mieux et que l'on travaille mieux ensemble, lorsque l'on se connaît mieux.
Avec l'accord de l'auteur et de la revue, nous reproduisons ici, à chaque publication, la chronique de Gilles Frémont, président de l'ANGC.
Nous espérons que celle-ci, outre le plaisir que vous prendrez à la lire, vous permettra de mieux comprendre la vie de la copropriété… vue de l'autre côté.
Créée en 2017 et première organisation professionnelle regroupant les Gestionnaires de Copropriété, l'ANGC a pour mission de promouvoir et représenter les intérêts des métiers de Gestionnaires, Comptables et Assistant(e)s de Copropriété auprès des dirigeants et des copropriétaires. Elle ambitionne également de devenir une source d'information influente auprès des instances pour contribuer aux réflexions menant aux futures réformes.

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Décembre 2020
Copropriété : Mon immeuble
par Gilles Frémont
Copropriété : Mon immeubleChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Interrogez tous les gestionnaires que vous voudrez, et tous vous diront qu’ils sont arrivés dans le métier par hasard.
Syndic n’est pas une vocation. Pour autant, peut-on avoir des prédispositions ?
J’ai grandi dans un immeuble en copropriété. Un immeuble du baron Haussmann de 3e classe, dans l’alignement de la rue, plutôt basique. Passage cocher, chasse-roues sur les côtés pour les conducteurs malhabiles ou les chevaux rétifs, balcon filant. Un immeuble sans décorations somptuaires, mais de fière allure et solide comme un roc.
Sur chaque petit palier, il y avait quatre portes, et derrière chaque porte, une vie tout entière.
Au 1er étage, je me souviens, vivait une psychiatre, on l’appelait docteur. Elle était toujours aimable et savait y faire avec le voisinage. Quand je la croisais dans l’escalier en rentrant de l’école, son sourire magnanime et sa voix suave ne me laissaient jamais indifférent ; je m’en serais presque allongé sur son divan à l’heure du goûter.
Au 2e, il y avait un sportif de haut niveau, un Ironman. Il s’en allait tôt le matin, vélo sur l’épaule, parcourir le monde, suer sang et eau. Ses voyages me faisaient rêver, un jour il me dit : «Tu sais petit, quand tu vis en collectivité, ça fait du bien de prendre l’air de temps en temps».
Au 4e, vivaient deux sœurs, vieilles filles, téléviseur à fond branché sur les feuilletons américains de l’après-midi. Elles détestaient la gardienne, qui elle-même, il faut bien le dire, en avait fait partir plus d’un.
Tout ce beau monde se retrouvait une fois par an chez le syndic.
Et je voyais mon pauvre père, dépité, revenir des assemblées générales et nous répéter à la table du dîner que cette année encore, l’installation de l’ascenseur avait été reportée.
Nous, justement, nous étions au 6e et dernier étage, dans le toit mansardé, sous le zinc brûlant des jours d’été. Dans la cuisine, un long puits de lumière ouvrait sur le ciel par un petit châssis tabatière. Des heures durant, par la fenêtre, je contemplais les toits du quartier et le clocher à l’horizon. Une vue plongeante sur les fenêtres d’en face m’offrait le loisir d’observer ces silhouettes qui se disputaient, et se réconciliaient, rideaux tirés.
Sur mon palier, vivait un vieux monsieur. Il était seul, et s’adonnait à la lecture. Son entrée, son couloir et son salon étaient recouverts de livres. Ça sentait la cellulose des vieux bouquins. Il me parlait littérature et politique, me racontait la vie de ses héros. Je voyais dans son regard de la nostalgie.
Un soir d’hiver, mon père m’apprit la triste nouvelle, le vieil homme venait de casser sa pipe. Il s’en était allé.
Aujourd’hui, je suis syndic, je vois d’autres immeubles, beaucoup d’immeubles, et quand je rentre dans certains appartements, parfois, des souvenirs me reviennent ; parfois, je ressens encore cette odeur des vieux livres ; c’est ma madeleine de Proust.
C’était mon immeuble.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/5508-mon-immeuble

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Novembre 2020
Copropriété : le revenant
par Gilles Frémont
Copropriété : le revenantChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Il est des histoires étranges en copropriété, je dirais même... inimaginables.
On est gestionnaire ; on se réveille tous les matins comme Monsieur Toulmonde, on part travailler, masque sur le nez, à pied, à vélo ou en métro ; on se dit que pour une fois, on aura peut-être une journée normale, une journée sans rebondissement, sans agitation.
Et puis non.
Ce matin, j’ai reçu un coup de fil ; un coup de fil de la part d’un copropriétaire. Il me rappelait, bien tranquillement, après quinze ans d’absence, quinze longues années d’un silence radio absolu. Pas de son, pas d’image. Le néant. En lui parlant ce matin-là, je croyais entendre un fantôme, je me pinçais. Sans nul doute, je faisais face à un revenant. A vrai dire, je pensais qu’il était mort, mais les accusés de réception de mes convocations d’assemblée générale et autres notifications de PV me revenaient toujours signés. Les autres copropriétaires, intrigués, me demandaient de temps en temps si j’avais des nouvelles ; l’histoire était devenue un mythe dans l’immeuble ; un rituel des questions diverses de fin d’assemblée générale. L’homme mystère. Moi seul l’avait connu. Il était propriétaire d’un petit studio inoccupé, laissé à l’abandon. Je l’avais croisé une fois à mes débuts, lors d’un ravalement délicat ; il avait profité du piochage pour changer ses fenêtres. Ensuite, il avait payé par virement une grosse partie de ses charges longtemps à l’avance, son compte était largement créditeur, je me contentais de surveiller l’évolution de son solde une fois l’an. Il était repassé dans le rouge depuis quelques temps.
«Bonjour Monsieur Frémont, ah c’est toujours vous le gestionnaire, bon tant mieux. Dites-moi, je viens de rentrer de Nouvelle-Zélande, j’ai des problèmes avec mon courrier, j’ai fait un saut à l’immeuble et je viens de voir que mon appartement avait été refait à neuf, par contre je n’ai plus de cuisine ni de fenêtres, et la serrure a été changé. Vous savez ce qui s’est passé ? »
- «Oui Monsieur, l’immeuble a brûlé en 2018, votre appartement au départ du feu a entièrement cramé, il n’y avait plus de murs ni de portes, calcinés, nous l’avons refait en même temps que le reste, payé par l’assurance de l’immeuble. L’affaire a duré deux ans. En revanche, on n’allait peut-être pas non plus vous refaire la cuisine super-équipée et les fenêtres double vitrage. Je vous ai écrit un tas de courriers à l’époque ; je vous ai laissé des messages ; je vous ai envoyé des mails. Vous me confirmez d’ailleurs que c’est la bonne adresse, et le bon numéro.»
- «Ah ok, vous me rassurez, bon ben merci de vous en être occupé en tous cas, c’est sympa»
- «Mais de rien Monsieur, je suis content de vous revoir parmi nous ; toutefois ce qui serait sympa maintenant c’est de payer vos charges, vous devez 4 000 euros»
- «Mais bien sûr ! Je vous fais ça ce soir». Et j’ai raccroché. Si ce métier n’existait pas, il faudrait l’inventer.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/5448-copropriete-le-revenant

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Octobre 2020
Copropriété : Le rooftop
par Gilles Frémont
Copropriété: Le rooftopChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Qui n'a jamais rêvé d'une terrasse privée sur le toit de son immeuble, un petit jardin d'Éden perché, arboré, sol en teck, jacuzzi et vue dégagée sur la Tour Eiffel ? Un luxueux rooftop pour pool party endiablées, disc-jockey, champagne et compagnie ?
Ce matin, je reçois un appel téléphonique de jeunes mariés qui viennent tout juste d'acheter au dernier étage. Des étoiles plein les yeux, ils sortent de chez le notaire. « Bonjour, nous sommes la famille Bellevue, nous voulons faire une extension de notre appartement sur le toit ; il a du potentiel. La famille s'agrandit et ce projet nous tient à cœur ». Pour la petite histoire, je précise qu'il s'agit d'une toiture-terrasse d'environ 100 m2, au 8e étage d'un immeuble cossu de la banlieue ouest. « Quelles sont les démarches Monsieur le syndic ? ». Je connais bien l'endroit, il y a les édicules d'aération et la machinerie ascenseur, les garde-corps sont neufs.
« Bonjour et bienvenue dans la copropriété. Vous devez présenter votre projet à la prochaine assemblée générale, avec des plans d'architecte, une étude de faisabilité d'un BET, un projet de modificatif de l'état descriptif de division par un géomètre-expert pour la création d'un nouveau lot. Vous devrez aussi faire purger le droit de priorité de votre voisin de palier, et surtout, formaliser une offre de prix pour le rachat du droit à construire appartenant au syndicat des copropriétaires. Je vous conseille, dans un premier temps, avant d'engager tous ces frais, de consulter de façon informelle le conseil syndical pour prendre la température, vous verrez ce sont des gens charmants. »
Trois jours plus tard, la présidente du conseil syndical, une femme pêchue qui est là depuis 40 ans, me téléphone. La conversation est brève: « Bonjour Monsieur, le nouveau propriétaire vient de m'appeler, c'était juste pour vous dire que nous n'étions pas d'accord. »
- « Ah, très bien, mais vous le lui avez dit ? »
- « Non, je lui ai répondu que je n'avais pas le temps, que je partais en vacances et qu'on verrait ça plus tard. »
- « D'accord Madame, mais il faudrait peut-être lui dire la vérité non ? »
- « Eh bien, vous le lui direz, vous ? ». La monarchie de la copropriété avait tranché, ce sera niet, sans assemblée générale ni autre forme de procès. Peine perdue pour nos jeunes mariés.
La réalisation de projets individuels en copropriété est un parcours du combattant ; mieux vaut, si l'on ne veut pas voir ses rêves se briser, prendre son bâton de pèlerin et négocier avec les bonnes personnes. Il est conseillé, surtout, de se renseigner avant d'acheter, et de s'enquérir auprès du syndic des rapports de voisinage. Car malgré la surinformation de l'acheteur, il n'existera jamais ni carnet ni diagnostic pour prévenir des relations humaines. Cruelle copropriété, la famille Bellevue n'aura pas son petit coin de paradis, mais elle aura, si cela peut la consoler...un bon syndic.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/5396-copropriete-le-rooftop

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Septembre 2020
Copropriété : L'autogestion
par Gilles Frémont
Copropriété: L'autogestionChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
« La précipitation est presque toujours suivi du repentir »
Assis à mon bureau, je les regarde rentrer dans la salle, ces jeunes couples novices, fraîchement propriétaires, sûrs d'eux-mêmes et décidés à vouloir changer le monde. Une copropriété est le reflet de la société ; il y a toujours un meneur, des seconds et une masse, des gentils et des méchants. Les rapports de force et les jeux de pouvoirs se créent naturellement, des clans se forment, des têtes émergent et d'autres tombent. L'immeuble est un microcosme, et au milieu du village, le paratonnerre, le syndic.
L'assemblée générale démarre, l'ordre du jour est assez banal, seule une question détonne : nomination d'un syndic bénévole.
Tiens, quelle drôle d'idée ?
Mes copropriétaires, enivrés par le parfum de la nouveauté, sont convaincus de leur destinée. « Nous avons bien réfléchi et nous avons décidé de faire des économies. On s'est déjà réparti les tâches entre nous ; on en a parlé samedi à l'apéro. Il y a une bonne ambiance dans l'immeuble et nous avons plein de projets en commun, l'aménagement de la cour pour les vélos, un potager, un compost et peut-être des abeilles ; on a une application pour se partager l'appareil à raclette, la tondeuse et la baby-sitter, comme ça chacun pourra proposer son aide et donner son avis. En plus ma femme est juriste donc pas de problème ». Je ne dis rien, j'écoute. « Voilà, vous comprenez, nous voulons une copropriété verte, connectée et conviviale ».
Leur exposé fini, je reprends la parole. « Savez-vous que vous pouvez faire tout cela avec moi ? Et je dirais même mieux, vous pouvez vous consacrer entièrement à ces projets qui vous tiennent à cœur, un récupérateur d'eau, une boîte à lire et un mouton, pendant ce temps-là je m'occuperai des tâches besogneuses, des mauvais payeurs et des refoulements d'égouts. N'y voyez surtout pas une tentative de dissuasion de ma part, mais il me semble que vous faites fausse route, la vie en communauté n'est pas qu'un enchantement. Elle renferme aussi son lot de querelles et de désillusions. Ce que vous économiserez en syndic, vous le perdrez en temps et en énergie. Ce que vous économiserez en syndic, vous le perdrez avec les conseils. Un jour ou l'autre, vous aurez besoin d'un médiateur pour vous séparer du voisin de palier qui vous ruine l'existence. Un jour ou l'autre, vous aurez besoin de vous occuper d'autre chose. Mais vous m'avez l'air convaincus et je ne voudrais pas briser vos rêves, alors tentez l'expérience ».
Le jeune père de famille veut s'imposer et avoir le dernier mot. « Merci pour cette mise en garde mais on sait ce qu'on fait. Tout est déjà organisé, même le planning pour le ménage et la sortie des poubelles que nous ferons d'ailleurs nous-mêmes ». À cet instant une copropriétaire au dernier rang se lève et intervient vertement : « Comment ça le planning pour le ménage ? ». Ça commence mal.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/5359-copropriete-l-autogestion

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Juillet - Août 2020
L'incendie
par Marieke de Daran
L'incendieChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Mardi, 21h, l'assemblée générale s'achève sous de timides applaudissements. Les copropriétaires sortent le champagne pour fêter la fin de gros travaux. C'est bon quand ça s'arrête. Séquence cocktail mondain : on se fait des compliments, on se dit merci. On apprécie cet instant de grâce. Mais je suis claquée. J'ai hâte de rentrer chez moi pour un bon dîner, écroulée dans mon canapé.
Sur le chemin du retour, j'aperçois des gyrophares qui balayent la nuit. Police, pompiers, véhicules « Urgence Gaz ». Que se passe-t-il encore ? J'espère qu'il n'y a rien de grave mais plus je m'approche, plus je me dis que c'est pour ma pomme.
Oui, le gestionnaire a une sorte de sixième sens. Un pompier range son matériel, je me gare, bingo : c'est un de mes immeubles !
Incendie volontaire dans un parking, une énorme fumée, des images retransmises sur BFM TV. Je m'approche doucement du capitaine, la flûte de champagne est un souvenir. D'une voix rauque, le capitaine me fait son briefing : « Pas de blessés à déplorer, que des dégâts matériels heureusement. L'électricité a sauté et l'immeuble est plongé dans le noir. Plus de chauffage, plus d'eau non plus. Tout a été coupé par mesure de sécurité, le courant ne sera remis qu'après le passage de l'électricien pour vérifier l'installation. Ah oui j'oubliais, des occupants sont bloqués dans l'ascenseur et on a défoncé la porte du garage ».
Ok, c'est à moi de jouer là maintenant, c'est ça ? Pas le temps de tergiverser, je regarde ma montre. Il est 22h et je dois trouver un électricien. Je dégaine mon téléphone sous l'œil septique du pompier. Ça sonne, mon électricien répond : « Je vous envoie quelqu'un dans 10 minutes ». Je raccroche, l'air serein je regarde le capitaine : « Ça va, il arrive ne vous inquiétez pas, je gère ». Oui, je sais, j'en rajoute un peu. On rentre dans l'immeuble, ça sent fort la suie, tout est noirci, ça pique les yeux, on progresse dans les gravats, lampes de poche... Les tableaux électriques sont indemnes mais ils sont derrière la porte coupe-feu. Evidemment, je n'ai pas la clé. Deuxième coup de fil pour le serrurier qui déboule à son tour. Enfin, troisième coup de fil pour une fuite, le plombier d'astreinte débarque. Il est minuit : les pompiers sont partis, les journalistes aussi. Je rassure les copropriétaires curieux descendus voir les dégâts : « Tout va bien Monsieur, je gère ».
Quelques fenêtres se rallument, la vie reprend son cours, je rentre chez moi, il est 1h du matin. Demain, j'aurai beaucoup de travail, je reviendrai avec l'expert et j'ouvrirai un dossier sinistre. On le refermera dans deux ans, mais d'abord ce soir je vais dormir un peu, avec la satisfaction du devoir accompli, et le petit sentiment d'être un héros.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/5311-n-660-l-incendie

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Juin 2020
Lettre du grand confinement
par Gilles Frémont
Lettre du grand confinementChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Voilà bientôt deux mois que je ne suis pas sorti de chez moi, et, j'admets, je me suis quelque peu habitué à cette nouvelle vie, mon jardin est beau, on fait des parties de football avec les enfants après le goûter, je connais mes conjugaisons, je travaille doucement mais sûrement, les mails ont fondu du jour au lendemain et se sont recentrés sur l'essentiel, on traite les urgences et l'administratif depuis la tablette, je téléphone à mes présidents de conseils syndicaux, exilés en Normandie, à l'île de Ré ou à Cassis.
Il faut dire que depuis le début du grand confinement, tous mes copropriétaires sont d'une extrême bienveillance - « portez-vous bien, prenez soin de vous et bon courage », comme on se souhaite les bons vœux en janvier - je n'avais jamais vu autant de bonté, autant de compassion, moi aussi j'ai écouté notre Président nous parler de la guerre, j'en avais des frissons partout, la concorde nationale, je voyais des héros partout, mon plombier était un héros, mon dégorgeur était un héros, même le syndic a eu droit à un répit, on s'applaudissait tous les soirs, sur les réseaux je lisais ces philosophes prédicateurs nous annoncer un nouveau monde, quelle époque historique nous vivions !
Le gouvernement nous faisait grâce tous les jours d'une myriade de dates, 12 mars, 24 mai, 24 juin, 10 juillet, 24 juillet, 24 novembre, 24 janvier - et encore on ne sait jamais si c'est 23 ou 24 - nos contrats en étaient tout retournés, les frises chronologiques fleurissaient sur la toile, des webinars à foison, le digital allait devenir incontournable cette fois-ci c'est sûr, les startups en sweat-shirt nous l'assénaient avec humilité - connecte-toi ou crève - sur les AG en visio on a tout entendu, on faisait parler les textes comme on fait tourner les tables. Alors moi aussi je me suis mis aux réunions zoom, c'est vrai que c'était sympa de se voir avec les collègues, on parlait de tout sauf boulot, on voyait les enfants passer, on démarrait avec une demie-heure de retard - « On a perdu Micheline ? Jean-Louis tu nous entends ? » - Oui, drôle de période, je bossais pendant les vacances et parfois le dimanche, tout se confondait, l'école, le travail et l'apéro au même endroit, le soir venu à la télé on décomptait les morts et les nouveaux chômeurs, on écoutait les savants et les sachants, je voyais cette chaîne de solidarité humaine, ces milliards qui pleuvaient du ciel.
Voilà, il ne me reste que quelques jours avant la délivrance du 11 mai, empreint d'appréhension, pour mes gardiennes j'ai fait livrer le kit avec son gel, ses masques et sa visière de CRS, pour mes équipes j'ai fait le planning de télétravail qui volera sans doute en éclats dans une semaine, je sens déjà la vie reprendre son cours, les mails aux paroles aigres sont de retour, les demandes de badges très urgentes et les états-daté la veille pour le lendemain aussi, les frictions d'avant sont là, intactes, mais à vrai dire aujourd'hui je n'ai qu'une seule crainte, une seule angoisse, une seule véritable interrogation: vais-je encore rentrer dans mon costard ?
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/5269-n-659-lettre-du-grand-confinement

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Avril-Mai 2020
La pipe du WC
par Gilles Frémont
La pipe du WCChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
La vie de gestionnaire de copropriété est passionnante, rocambolesque et truffée d'histoires vraies. Laissez-moi vous compter celle-ci, avec recul et nulle rancœur.
Un matin d'automne, il y a fort longtemps, à l'époque où le téléphone sonnait en continu, je reçois un appel de cette dame, une très vieille dame, charmante au demeurant, inoffensive en apparence, une copropriétaire ne laissant présager aucune menace, à qui j'aurais donné le bon Dieu sans confession. « Monsieur le syndic, il y a une fuite au plafond de mes wc, cela fait des années, je suis désespérée, il faut venir me voir absolument ! », me dit-elle d'une voix frêle et aiguë. En tant que nouveau syndic de l'immeuble voulant montrer toute mon implication et j'admets, un peu pris par les sentiments, je me déplace et me rends dans l'appartement de la vieille dame. La porte s'ouvre, un agent de la mairie d'arrondissement est déjà là, ambiance. Je me faufile jusqu'au bout de ce long couloir, haussmannien, exigu et jauni, et je pousse la porte des wc.
« Madame, votre plafond est totalement sec, regardez la peinture est craquelée et cassante, c'est un ancien dégât des eaux, votre assurance vous indemnisera ». Tout à coup, sur ces mots, allez savoir pourquoi, ma vieille dame se raidit, comme si elle refusait d'entendre qu'un compagnon l'avait quitté. Le ton monte et, en baissant les yeux, je vois la pipe de son wc enroulée d'un énorme scotch. Une pipe est un tuyau de diamètre 10 cm, souple ou rigide, parfois extensible, droite ou coudée, elle est raccordée à l'arrière de la cuvette pour l'évacuation des eaux usées vers le réseau, à paroi intérieure lisse, la pipe permet un écoulement optimal. « Madame, vous avez vu ? Vous provoquez une fuite chez le voisin du-dessous ! ». La dame s'énerve et conteste l'évidence, j'insiste : « Je serai obligé de vous adresser une mise en demeure ! ». À cet instant précis, ma vieille dame se met à vaciller, cligne de l'œil et s'effondre au sol, dans son couloir haussmannien. Le corps est inerte, mais il respire encore, je gère ma panique et j'appelle les pompiers en toute urgence, ils arrivent, ils montent, soulèvent la dame et la portent jusqu'à son canapé. Allongée, l'air étrangement revigoré, du coin de l'œil et la voix chevrotante, elle chuchote au pompier : « Le syndic a été ignoble avec moi ». Consterné, je salue tous ces gens et m'en retourne à mon bureau.
Quelques jours plus tard, je reçois une lettre : convocation au commissariat de police. « Monsieur l'inspecteur, qu'ai-je donc fait donc ? » ; « Madame a déposé une plainte, vous l'auriez poussée et sa tête aurait heurté le radiateur ». Les bras m'en tombent. « Monsieur l'inspecteur, voici ma version, l'agent de la mairie vous la confirmera ». Classement sans suite.
La moralité de l'histoire est double : ne jamais se fier aux apparences, et toujours se faire accompagner. Je m'en souviendrai longtemps de cette pipe.

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Mars 2020
Les poubelles du restaurant
par Gilles Frémont
Les poubelles du restaurantChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Quand mes amis me demandent ce que je fais comme travail, les réflexions vont toujours bon train.
« Quel syndic ? FO ou CFDT ?» pour les plus militants et les moins érudits ; ou bien, « Tu n'aurais pas un studio à vendre côté rive gauche ?» pour les généralistes qui pensent encore que je suis agent immobilier ; ou bien encore, « Ah, c'est toi qui t'occupes des poubelles ?», l'air espiègle et un brin hautin de ceux qui ont de vagues compétences.
Passons sur les fables, fantasmes et autres mythes. À ces amis, je réponds toujours avec contenance que oui, c'est bien moi, le syndic, et je m'occupe aussi des poubelles.
Alors, pour capter l'attention de mon auditoire et enfoncer le clou avec élégance, je leur raconte justement mes histoires, mes histoires de poubelles, avec grandiloquence.
Nous sommes en assemblée générale, l'ordre du jour officiel s'achève et arrivent les questions diverses, cet ultime point qui ne figure pas à la convocation mais qui revient avec insistance chaque année ; ce moment essentiel à la vie sociale de l'immeuble où les copropriétaires expriment leurs opinions au milieu du groupe, véritable instant de démocratie où l'on débat hors du temps et hors forfait de questions éminentes telles que l'abri à vélos, les rats morts et le sapin de noël.
« Monsieur le syndic, est-il normal que la gardienne sorte les ordures du restaurant ?».
Bien qu'il soit 22h, je tente une réponse juridique pour montrer tout le savoir du syndic professionnel : « Non, ce n'est pas normal Madame, ces bacs sont privatifs, le nom du restaurant est d'ailleurs inscrit dessus à l'arrière sur le code barre ; il doit donc faire son affaire personnelle de leur rentrée et sortie. D'ailleurs, en toute rigueur, ces containers privés n'ont rien à faire dans la cour de l'immeuble qui est une partie commune, leur présence constitue donc une simple tolérance que l'on pourrait qualifier de droit de jouissance à titre personnel, informel, temporaire et révocable, que vous pourriez dénoncer à tout moment ».
Le bailleur du restaurant, assis au dernier rang, ne l'entend pas de cette oreille. « Je paye des charges comme tout le monde ; donc je ne vois pas pourquoi la gardienne ne sortirait pas mes poubelles ? ».
Je paye donc je suis.
Poursuivons la démonstration. « Monsieur, vous confondez vos poubelles avec celles de l'immeuble que vous pouvez effectivement utiliser, mais celles-ci vous risquez fort de les remplir d'un trait à vous tout seul. Or, l'article 9 prescrit de ne jouir des parties communes que sans porter atteinte aux droits des autres copropriétaires ».
Dans un dernier effet de manche, j'en appelle donc à la loi et je clos les débats.
Mes amis m'écoutent encore, sans mot dire, essayant de comprendre la fin de l'histoire. Me voilà encore à parler copropriété, conquérir les cœurs et frapper les esprits dans un généreux plaidoyer.
Et vous, vous faites quoi dans la vie ?
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/5207-n-656-les-poubelles-du-restaurant

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Janvier - Février 2020
La belle affaire
par Gilles Frémont
La belle affaireChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Les dîners du samedi soir sont l'occasion pour les amis de parler de leur appartement, donc de leur immeuble, et donc de leur syndic. « Comment il est, toi, ton syndic ? ». « Ah, le mien est vraiment super, disponible et réactif ! ».
Mes immeubles ne rentrent que par le bouche-à-oreille, sans intermédiaire payant, et lorsque l'ami de mon copropriétaire m'appelle le lundi matin pour savoir si je serais éventuellement intéressé pour gérer sa résidence, je le remercie vivement de son intérêt puis, je lui pose quelques questions : combien de lots ? Quels équipements ? Des projets de travaux ? Des procédures ? Des compteurs d'eau ? Des réunions le soir ?
Mon prix commence à se dessiner.
Puis, je bavarde un peu histoire de mieux se connaître : « Comment ça se passe dans l'immeuble, l'ambiance est-elle bonne ? ». Le client commence à se livrer : « Oh, vous savez c'est une petite copropriété tranquille sans histoires, nous avons deux ou trois petits problèmes mais rien de bien méchant et tout est en passe de se régler ». Tiens, j'ai déjà entendu ça quelque part. Je le sens quand même sur la réserve alors je creuse encore un peu ; les copropriétaires adorent parler de leurs voisins. « C'est quoi au juste ces deux ou trois petits problèmes ? Dites-moi toujours, je pourrai peut-être vous aider ? ». Oui, le syndic est un confident. Il enclenche « la deuxième » : « Un des copropriétaires ne paye pas ses charges, enfin c'est une succession vous comprenez, il y a 50 000 € dehors et les héritiers ne se parlent plus, mais ne vous inquiétez pas l'avocat est sur le dossier, nous allons bientôt saisir l'appartement d'ici deux ans. Il y a aussi un léger souci avec le voisin du dernier étage qui s'est pris les combles ; le problème n'est pas tant qu'il se soit approprié une partie commune sans autorisation ; c'est surtout qu'il a percé une trémie et que l'un de nos murs porteurs s'est affaissé, mais rien de grave rassurez-vous l'architecte est sur le coup ; il s'était d'ailleurs très bien occupé de nos fissures l'année dernière, on en est très content, lui on le garde ». Intéressant, continuez. « Ah oui j'allais oublier, les comptes de l'ancien syndic bénévole ne sont pas très clairs ; il faudra faire un audit, l'administrateur judiciaire n'avait pas retrouvé toutes les pièces. J'admets que c'est un peu le bazar dans les attributions de caves, surtout depuis la refonte des lots ; on attend le modificatif mais on n'a plus de nouvelles du notaire. Mais ne vous inquiétez pas on regardera tout cela ensemble tranquillement, et s'il faut assigner votre prédécesseur on convoquera une assemblée générale extraordinaire ».
Je crois que j'en sais assez. « Je vous remercie Monsieur pour toutes ces précisions, je fais le point en interne ». Je raccroche le téléphone, circonspect. Je regarde mon assistante sans rien dire, je ferme la fenêtre derrière moi, j'ai un peu froid dans le dos, un frisson, trois fois rien.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/5160-n-655-la-belle-affaire

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Décembre 2019
L'expertise judiciaire
par Gilles Frémont
L'expertise judiciaireChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
L'histoire démarre toujours par une petite fuite, une tache d'humidité insignifiante comme on en voit tous les jours.
Puis les choses déraillent, la fuite grossit et nous glisse entre les doigts, les esprits s'emballent et un jour, le terrifiant huissier de justice vient frapper à la porte pour vous délivrer un message implacable : assignation en référé en vue de la désignation d'un expert judiciaire.
Premier réflexe, je scanne le document et je l'envoie à mon avocat ; deuxième réflexe, j'informe le conseil syndical ; troisième réflexe, je fais ma facture.
Trois mois plus tard, c'est le jour de la première réunion.
J'ai pris mon dossier et les clés de l'immeuble, un attroupement se forme sur le trottoir. Tout le monde est là : mon avocat, mon plombier, l'adversaire, son locataire, l'avocat de l'adversaire, l'avocat du locataire, l'avocat de son assurance, le plombier de l'adversaire, l'avocat du plombier de l'adversaire... je m'arrête là, la prochaine fois je leur prendrai un mini bus.
L'expert, un homme d'un certain âge habillé d'une gabardine et l'air un peu taciturne, glisse une petite blague le temps de faire tourner la feuille d'émargement, ça rit légèrement dans l'assistance mais l'ambiance reste coincée. L'expert nous relit lentement ses chefs de mission, très lentement, puis on se rend enfin, sur la scène du crime.
Nous voilà à quinze dans l'appartement deux pièces.
Je ne lâche pas l'expert d'une semelle, surveillant tout ce qu'on lui raconte, je redonne ma version des faits pendant que les autres font encore la queue dans le couloir.
Au fond de la file, deux avocats commencent à se "poiler", visiblement ils se connaissent et sont contents de se voir, un autre est plongé dans son téléphone portable, visiblement il a autre chose à faire. « Ça vous intéresse ce qu'on raconte ?» Je taquine un peu, il n'y a pas mort d'homme.
L'air est saturé d'humidité, j'en profite pour attaquer : « Dîtes donc madame, vous ouvrez les fenêtres de temps en temps ? Elles sont neuves non ? Regardez les champignons sur les murs, c'est symptomatique d'un défaut de ventilation, c'est privatif ». L'avocat d'en face ne laisse pas passer mon assaut et montre du doigt à l'expert les fissures sur la façade. « Ce sont des microfissures non infiltrantes !» répond aussi sec mon avocat. L'un minimise, l'autre exagère, c'est de bonne guerre.
On se met à émettre des hypothèses plus ou moins scientifiques, remontées capillaires, taux d'hygrométrie, échanges gazeux, pont thermique et tuyau d'arrosage.
A quatre pattes sous la baignoire, on vérifie la tuyauterie, le portable dans les toiles d'araignée, le testeur de l'expert est dans le vert, celui du plombier est dans le rouge, faudra changer les piles.
Les opérations se terminent, on se remet en cercle dans la cour pour récapituler, le mystère de la fuite n'est toujours pas élucidé, on se revoit dans six mois.
C'est parti pour durer.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/5116-n-654-l-expertise-judiciaire

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Novembre 2019
La date d'AG
par Gilles Frémont
La date d'AGChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Un matin de mai, installée tranquillement à mon bureau un bon thé au jasmin à la main, je mets la dernière patte à une convocation d'assemblée générale qui doit partir le jour même. La saison bat son plein, les plis recommandés partent à la chaîne.
Le téléphone sonne, c'est Madame Duchesse de la résidence des Charmes qui m'interroge sur la date de la prochaine assemblée qu'elle attend avec impatience. Je l'informe que justement la convocation est prête, mais que la réunion ne se tiendra pas à la date qu'elle m'avait plus ou moins évoquée dans une conversation plus ou moins lointaine. L'échange devient subitement tendu. Elle refuse de m'écouter et me reproche de l'avoir fait exprès pour l'empêcher de venir, car Madame est en procès avec la copropriété depuis des années et un protocole doit être entériné. Sans ambages, elle me traite de menteuse, s'énerve et me raccroche au nez ! Interloquée, mes yeux posés sur ce téléphone maudit et mon thé à la main, je me plonge dans une sage introspection.
Entre mars et juin, il me faut placer une quarantaine d'AG, la plupart en soirée. Mon calendrier ressemble au jeu de l'oie, où un jour sur deux me renvoie à la case départ. Sont exclues d'emblée les vacances scolaires qui me retirent quatre semaines, puis je raye les veilles de week-end, les veilles de jours fériés et les veilles de viaduc (vive le mois de mai). Les possibilités se réduisent comme peau de chagrin. Puis je décompte les disponibilités des salles que je dois réserver, paroisses, gymnases et autres cafés-théâtres (on repassera pour la visioconférence) : «Ah non, désolé Madame pas le mardi, il y a club de bridge -Le jeudi ? Pas possible non plus, c'est catéchisme». Et comme il ne faut froisser personne (j'ai quand même un mandat à renouveler), j'écoute les contraintes et désidératas des uns et des autres : pas le mercredi, la présidente du conseil syndical garde ses petits-enfants, pas non plus après le 15 juin, le président part à la campagne. Et n'oublions pas non plus de composer avec l'agenda de l'architecte qui vient parler du ravalement, le pauvre est en AG tous les soirs lui aussi. Mais le casse-tête n'est pas encore fini, il faut, en dernier lieu, répondre aux exigences tactiques des différents copropriétaires du même étage. L'équation à six inconnues s'endurcie. La dame du 4e qui a un projet de travaux privatifs à faire passer ne sera pas là ; elle propose de décaler au lendemain, mais son voisin, qui a la ferme intention de voter «contre», refuse catégoriquement car il a déjà un rendez-vous (le match de foot à la télé). N'en jetez plus, la coupe est pleine. Donc, non Madame Duchesse, je ne le fais pas exprès, si ce n'est pas la bonne date.
Finalement, l'assemblée s'est tenue comme prévue, et Madame a pu se libérer. Avec abnégation, on finit toujours par y arriver, en tenant compte des obligations de tout le monde, et accessoirement, des nôtres.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/5065-n-653-la-date-d-ag

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Octobre 2019
L'étiquette de boîte aux lettres
par Gilles Frémont
L'étiquette de boîte aux lettresChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Tout commence par un courriel anodin : « Monsieur le syndic, je viens d'acheter mon appartement et j'emménage demain ; je vous remercie de bien vouloir mettre une étiquette de boîte aux lettres à mon nom et celui de ma femme. Cordialement ».
C'est poli et courtois, je réponds poliment et courtoisement : « Monsieur, j'accuse bonne réception de votre demande et je fais le nécessaire ». Simple et efficace, j'expédie les demandes privatives pour lesquelles je travaille gratuitement dans les affaires courantes.
Je commande les étiquettes. Le tableau indicateur étant fermé à clé et n'ayant plus de gardien sur place, j'ordonne une fourniture plus pose. Puis je reçois la facture que j'impute naturellement sur le compte du copropriétaire. Mission accomplie.
Deux mois plus tard, mon copropriétaire reçoit ses charges et voit passer la note. Attention, nouveau mel de sa part, moins feutré que le premier : « Monsieur le syndic, je ne vous cache pas mon étonnement. Je découvre que vous faites appel à un organisme extérieur et n'ai nullement été informé de votre forfait à 74,53 € que je trouve totalement scandaleux pour quatre étiquettes. Sur le site du fournisseur l'étiquette boîte est à 10 € et l'étiquette tableau à 12,40 €. Je conteste formellement ce débit. En tant que syndic, il vous incombait l'obligation de m'annoncer les tarifs et me présenter les différentes options. Si vous aviez procédé ainsi, ce qui est l'usage normal de tout syndic agissant en parfaite bonne foi, je me serais déplacé en personne récupérer la clé afin d'installer les étiquettes. En tant que nouveau copropriétaire, je ne peux que regretter que ce type de manœuvres soient pratiquées au sein de votre cabinet ».
Allons bon. Les mots ne sont pas filtrés, je ne le prends pas mal. Je tente une réponse à chaud : « Monsieur, ce n'est pas mon forfait mais la facture de l'entreprise. Les étiquettes sont privatives mais vous avez préféré les commander au syndic par commodité ; j'ai géré votre affaire pour vous être agréable, mais je ne suis pas votre prestataire de service. Je regrette pour ma part que vous ne vous intéressiez au prix qu'une fois livré. Vous avez sollicité la Copropriété ; vous devez maintenant lui rembourser ses frais ».
À peine mon mel envoyé, sa réponse me revient comme dans un "tchat". Pêle-mêle, j'ai droit au couplet sur les droits du consommateur, le coût de la main d'œuvre, et comment il faisait avant dans son autre immeuble avec son autre syndic.
Effet papillon. Voilà donc comment dégénère une situation banale en copropriété pour un qui-fait-quoi et qui-paye-quoi. Voilà donc un nouveau copropriétaire qui dira à son entourage tout le bien qu'il pense de son syndic, et qui sans nul doute viendra parler de son étiquette à la prochaine assemblée, voire même l'inscrire à l'ordre du jour, voire même voter contre le renouvellement de mon mandat. Demain, j'ouvrirai une filiale de conciergerie.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/les-acteurs/5028-n-652-vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro-l-etiquette-de-boite-aux-lettres

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Septembre 2019
L'immeuble neuf
par Gilles Frémont
L'immeuble neufChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Je suis à l'heure au rendez-vous, concentré sur mon sujet, j'observe les coulures sur la façade tandis que les autres arrivent. Le promoteur a envoyé le jeune diplômé, le sous-traitant est venu en patron. Pour l'instant, je ne dis rien. Timidement, on franchit le pas de la porte, je badge la grille et les halls sécurisés, on monte dans l'ascenseur, je repasse le badge, direction les sous-sols et les entrailles de l'immeuble, on traverse le sas d'isolement, on sort du labyrinthe. Le local poubelles est bondé de cartons. Il pleut dans le parking, le chauffage ne marche pas. On m'a livré un immeuble neuf.
Je n'étais pas particulièrement emballé lorsqu'on m'a proposé cette nouvelle affaire. Pourtant la plaquette était belle, les arbres en photo étaient grands et verdoyants, les enfants jouaient au ballon, les balcons étaient bien rangés, c'était le printemps.
L'expertise dommages-ouvrage démarre. Sur le mur de la place 113 s'écoule un rideau d'eau. Synchronisés, on lève la tête. « Qu'y a-t-il au-dessus ? » demande l'expert. « Le jardin » répond le promoteur, « non, c'est le trottoir » reprend l'entreprise, « ce n'est pas le local vélos ? » finit le syndic. Je sens le torticolis. Personne n'a pris les plans, on se rabat sur le plan d'évacuation collé au mur, ça patauge. Désordre numéro 2, j'en ai déclaré dix dans le même courrier. On s'introduit dans la chaufferie et son cortège de tuyaux. Ça clignote de partout sur l'armoire de contrôle, un membre du conseil syndical intervient, ingénieur à la retraite, il sait tout et va nous le dire.
Le déjeuner approche, encore un appartement à voir. Un primo-accédant un peu soucieux nous ouvre la porte, chemise bleue bien repassée, ça me change de mamie et son peignoir. « Mon parquet gondole sous la fenêtre, mon assurance m'a dit de voir ça avec le syndic ». Tiens donc. « Infiltration ? » demande l'expert, « ventilation », suggère l'entreprise, « mauvaise pose », conclut le syndic. Moi aussi je deviens expert, GPA, biennale et décennale.
13h30. On a fini, tout le monde est délivré sauf moi. « Je peux vous voir encore une seconde ? ». Service après-vente, j'écoute. Mon copropriétaire novice me montre sa répartition de charges, je découvre le document en même temps que lui. Attention, séquence des chiffres et des lettres. Pédagogue, debout dans la cuisine et affamé, j'explique : trois lots, huit clés, vingt-quatre lignes, sept colonnes, le locatif à droite, la TVA encore à droite, l'avance de trésorerie dans l'encart en haut à gauche, le fonds travaux à l'opposé, un moins devant les provisions, un plus devant les charges (ça se complique), je l'achève avec ses index compteur dans l'interligne. Je le sens perplexe. Sans transition, il m'interpelle sur les canisses du balcon d'en face, le barbecue électrique et les étagères en plastique. Ce n'était pas sur la photo.
Le Règlement de copropriété est déjà bafoué, une copropriété est née.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/les-acteurs/4987-n-651-vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro-l-immeuble-neuf

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Juillet - Août 2019
La vente de la loge
par Gilles Frémont
La vente de la logeChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
La gardienne est partie à la retraite et le conseil syndical m'a demandé de ne pas la remplacer. La loge est vide depuis un an, un copropriétaire voudrait l'acheter. J'inscris sa demande à l'ordre du jour de l'assemblée générale.
Les deux-tiers des tantièmes sont là, ça faisait un bail, et je n'ai pas oublié d'inscrire au préalable la suppression du poste de concierge. Jusqu'ici tout va bien, je lance le débat : «Monsieur Lacrampe, vous souhaitez acquérir la loge pour 100 000 €, c'est bien cela ?».
Il n'a pas le temps d'ouvrir la bouche que son voisin de gauche, M. Ledroit, lui coupe la parole : « Cette loge ne peut pas être vendue ! Elle fait partie du standing de la copropriété, sa suppression porterait gravement atteinte à la destination de l'immeuble. Il faut l'unanimité ! ». Dommage, j'avais mis l'article 26. Je lui suggère de voter contre et de contester dans les deux mois.
Le voisin de droite, Mr Ledure, s'exprime à son tour, M. Lacrampe n'a toujours pas ouvert la bouche : « 100 000 € ce n'est pas le prix du marché, ça vaut le double ; ce n'est pas parce que vous êtes copropriétaire qu'on va vous en faire cadeau, à ce compte-là ça m'intéresse et j'achète aussi ! ». Ambiance.
M. Lacrampe, dos au mur, peut enfin parler, mais il sent bien que l'affaire est mal engagée : « J'aimerais acheter cette loge pour les études de mon fils ». Il tente d'avoir l'assemblée par les sentiments mais personne ne réagit. Il poursuit sa plaidoirie et durcit le ton : «Vous avez vu dans quel état se trouve cette loge ? Il y en a pour 30 000€ de travaux au bas mot ! De plus, au rez-de-chaussée, il n'y a aucune lumière, c'est lugubre [la gardienne apprécierait]. Et je vous rappelle Monsieur que vous aviez eu le bout de couloir pour 1 000 € en 2009, ça non plus ce n'est pas le prix du marché ! ».
Je compte les points et surtout je ne prends pas partie. M. Ledure ne se dégonfle pas et lui rétorque : «Vous ferez quand même une belle plus-value quand vous revendrez, et on se retrouvera avec un inconnu qui va nous mettre des locataires airbnb ! ». Remous dans la salle. Au dernier rang Mme Latuile, qu'on n'avait pas encore entendu, lève la main : « J'ai une idée, on a qu'à louer la loge nous-mêmes au lieu de la vendre ? ». « Pas possible, ce n'est pas à l'ordre du jour ! », lui répond sèchement M. Ledroit.
Le temps passe, je les laisse s'écharper un peu, pour une fois ce n'est pas sur moi. Je m'apprête à les faire voter, mais M. Ledure relance la machine : « Moi, je fais une offre à 120 000 € ! ». Sensation. Les enchères commencent, j'allume la bougie, je fais le commissaire-priseur. Finalement, Monsieur Lacrampe, dépité, retire sa proposition. De toute façon, nous n'avions pas la majorité, ce beau petit monde n'a pas réussi à se mettre d'accord. Qu'à cela ne tienne, on recommencera l'année prochaine. En attendant, la loge restera vide une année de plus, ni vendue, ni louée, ni gardienne.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/les-acteurs/4946-650-vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro-ce-mois-ci-la-vente-de-la-loge

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Juin 2019
Ma journée en acronymes
par Gilles Frémont
Ma journée en acronymesChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Ce matin, je voulais faire une visite d'immeuble, mais finalement j'ai fait un peu d'administratif.
Courriel d'un notaire pour la signature d'une SCI, urgent, tout le bureau est sur le pont ; c'est parti, pré-état daté, CREP, DTA, termites, fiche synthétique, carnet d'entretien, beaucoup de papiers pour une seule vente, merci les lois ALUR, ELAN et SRU. Ça coince sur l'EDD, un modificatif pas publié, un lot subdivisé, le géomètre devra repasser, en attendant je mets sur le côté. J'enchaîne. Mise à jour du DUERP pour la gardienne, CDI catégorie B, 1500 UV, moins de risques depuis que les LED sont installés. Le CTQ sur l'ascenseur, fait aussi, merci loi SAE.
Allez, j'avale un café, j'ouvre le carton du promoteur. Immeuble en VEFA ; il ne manque rien ou presque, DIUO, PC, certificat de conformité, rampe handicapée, organigramme des clés, carte de propriété, et le plus important, téléphone du SAV. On archivera cet été. Pendant ce temps, mon assistante assigne un débiteur ; j'arrête de le relancer. Copie des AR à l'avocat, scan des appels de fonds, attestations article 42, c'est parti pour le TGI, dépens, article 700 CPC. Je facture mes frais, clause 9.1 du contrat type, je suis dans les clous ; la DGCCRF peut vérifier, le CNTGI aussi.
Deuxième café, le tas de courrier arrive, un constat amiable DDE, encore un, le SDC est responsable, bouchon dans le PVC, les WC ont débordé. Je remplis ma partie, à droite en riquiqui, mais il faut d'abord que je comprenne bien IRSI, j'avais déjà du mal avec la CIDRE et la CIDE-COP, sans parler de la MRI, son intercalaire et sa garantie "recherche de fuite". Je demanderai à l'ANGC.
Je mange sur le pouce, je regarde vite fait mes mels, je lance quelques OS, je codifie quelques factures, clé 01 compte 615, et je file en visite. Fiche d'immeuble sur le téléphone, je coche : BAES, OK, DAAF, VMC, ça fonctionne, on cherche la clé de l'armoire à clés, cachée dans le local TGBT. Un problème sur l'antenne TV, le monde s'est arrêté. Tiens ! Une fuite en gaine, avant compteur EF, partie commune, ce sera pour la copropriété. On sert la main et on s'en va sans divaguer, deuxième RDV, réunion de chantier juste à côté, beau ravalement ITE marquage CE, RT 2012, TVA 5.5. Je ressers des mains, le coordinateur SPS est déjà là, pas très content, il me demande le DAT, je l'ai oublié, j'avais pourtant tout vérifié, CCTP, assurance DO, entreprise TCE qualité RGE, déclarations URSSAF, tout était bon. Tant pis, on monte ; échafaudage, à chaque étage on me tient la trappe, c'est comme ça dans le BTP. On redescend, on se dit au revoir, je ressers des mains, j'attends le CR de chantier, je ferai suivre à mon CS c'est très pressé.
Retour au bureau, je suis HS mais pas encore KO, je finis par une AG, tout le monde est arrivé, on pointe le RGD, on passe sur le DTG, le DPE n'avait rien donné. Fonds travaux, 5 % sans hésiter. 22h c'est terminé, je tire mon PV, je m'empresse de parapher.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/les-acteurs/4897-n-649-vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro

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Mai 2019
L'assemblée change son syndic
par Gilles Frémont
L'assemblée change son syndicChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Mon confrère attend patiemment dans le couloir pendant que je fais signer la feuille. J'observe les va-et-vient, les pouvoirs passent de main en main. La tension est palpable, ça s'agite en coulisses. Dans la salle, l'ambiance est glaciale.
Ça faisait un petit moment que le conseil syndical ne me parlait plus. De nouvelles têtes venaient d'arriver, plutôt jeunes. Je sentais comme de la distance et paradoxalement de temps à autre une étrange bienveillance à mon égard. Il y avait ces petits non-dits qui précèdent la rupture, ce calme avant la tempête. Oui, les temps avaient changé, et on me reprochait aujourd'hui des choses pour lesquelles on ne me blâmait pas hier : un mail auquel je n'aurais pas répondu, une entreprise en retard, un devis élevé. Je ne m'étais pas trompé. Une fois passé le moment de crispation où l'on reçoit au courrier recommandé la pilule amère du contrat de syndic, accompagné d'une lettre type qu'on leur avait donné (sans mention des griefs), je n'avais pas eu d'autres choix que de rédiger moi-même et à contre-cœur la résolution de mon concurrent, la résolution qui scellerait peut-être la fin de l'histoire, l'immédiate révocation. La loi est dure, mais c'est la loi, alors je rédigeais.
La séance démarre, et après le feu de questions nourri sur les comptes, les valses-hésitations sur le quitus et le grand débat sur le seuil de mise en concurrence, advient l'irrépressible moment de vérité, le vote à main levée, obligatoire, sans échappatoire ni ambiguïté. A cet instant dans ma tête, je repassais en boucle les répliques préparées pendant la nuit. « S'il me dit ça, je lui réponds ça », et que vais-je répondre à l'incontournable « Ce n'est pas contre vous » ? J'avais tenté de me convaincre : « Ne te justifie pas, prend de la hauteur, dis-toi juste que c'est un de perdu, que c'est eux qui te regretteront, qu'au moins tu rentreras plus tôt ce soir ». A la fin du film, j'avais même imaginé ma sortie, pleine d'élégance, comme on tire sa révérence.
Mais peut-être que l'assemblée allait ce jour-là me réserver un de ses coups de théâtre ? Peut-être, allais-je vivre un de ses coups d'éclat délicieux que seules les folles soirées de la copropriété savent vous offrir ? Oui, peut-être que la majorité allait finalement me reconduire et renverser le conseil, anéanti et crûment destitué de ses fonctions ? Mon collègue m'avait tapé sur l'épaule avant de partir, et le boss m'avait dit « ne t'en fais pas ». La sacoche était lourde sur le chemin.
Au bout de deux heures de confinement, mon confrère presque déshydraté entre en scène, il se présente, je sors à mon tour, j'attends, il revient, je suis de retour. Le manège s'arrête, il est temps de passer au vote. L'adrénaline est montée, déterminé et presque sûr de moi, les bras sur la table et la voix claire, je prononce enfin : « Résolution numéro huit, désignation du syndic ». Faites vos jeux !
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/les-acteurs/4856-n-648-vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro

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Avril 2019
Les charges
par Gilles Frémont et Romain Dutrieux
Les chargesChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
En ce lundi matin de janvier, chose exceptionnelle, je n'avais pas de rendez-vous extérieur, j'étais donc bien au chaud dans le bureau et, chanceux comme tout, je prenais les appels du service.
Ça sonne : « Monsieur le syndic, je reviens de vacances et je m'étonne que le remplacement de la porte d'entrée voté en juin, ne soit toujours pas fait ! », me dit-il passablement agacé, « cela fait plus de six mois ! », insiste-t-il. La semaine commence, c'est parti. Je laisse parler sans l'interrompre, puis je lance le disque : « Monsieur, je comprends votre impatience, c'est normal, mais sachez qu'après l'assemblée générale, j'ai attendu les deux mois de contestation, ensuite j'ai passé commande, s'en est suivi un délai de douze semaines de fabrication, puis la trêve des confiseurs, les gilets blancs, et la grippe des menuisiers ». Je me dis qu'un peu d'humour ne fera pas de mal, ce n'est qu'une porte après tout.
Mais le trait d'esprit ne fait pas mouche, mon copropriétaire repart de plus belle : « Moi j'ai payé cette porte il y a trois mois, pendant ce temps-là, l'argent dort sur votre compte ». A cet instant, je ne veux pas m'éloigner du sujet, mais j'hésite quand même à lui réexpliquer la différence entre compte du syndic et compte du syndicat, entre provisions et charges, entre exigibilité et paiement, entre dépense et quote-part. Non, pas de poupées russes, restons sur la commande : « Monsieur, vous savez, j'aurais pu tout aussi bien attendre de percevoir la totalité des fonds avant de passer l'ordre de service, mais dans ce cas, vu le nombre de mauvais payeurs dans la résidence, à cette heure je n'aurais toujours pas signé le devis. Mais finalement vous voyez, j'ai signé et j'ai même payé l'acompte. Alors tout compte fait (sans jeux de mots), on est plutôt rapide non ? ».
Sur ce, je pensais l'affaire bouclée, mais voilà qu'il rebondit sur l'acompte. J'aurais dû me taire. « Moi, Monsieur, quand j'achète ma fenêtre sur Bricotruc, on ne me réclame pas d'acompte, et je suis livré en 24 heures chrono ! ». Je m'accroche, mais je commence à perdre patience aussi. Respire. « J'entends bien, mais je vous rappelle que cette porte est fabriquée sur-mesure, en chêne massif avec imposte cintré, que l'artisan l'a faite de ses mains en ateliers, selon le savoir-faire et les gestes transmis par ses aïeuls ». Stop, je m'égare. « Bref, vous avez compris, on ne compare pas des choux avec des carottes ». Il finit par se calmer, et me remercie, presque chaleureusement.
La répétition est l'âme de la pédagogie. En ce lundi matin, il n'était pas encore 10h que j'avais déjà passé en revue la moitié de la loi de 65. Finalement la porte arrivera un mois plus tard, mais une petite erreur de prise de côte la renverra aussitôt à l'atelier. Burlesque. La date initialement prévue ne sera jamais respectée, la loi de Murphy s'abattait sur moi, fallait-il en rire ou en pleurer ? Prochaine date disponible pour la pose : 1er avril.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/les-acteurs/4812-n-647-vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro